T’as tes tongs ?

(Source : C.Tossan, Paris Match)

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Témoignage
Guillaume, créateur de la Journée Mondiale de la tong.
Oser montrer ses pieds, ce n’est pas rien.
Tout a commencé à Brest, en octobre 2003. Un groupe d’étudiants en télecoms doit sélectionner un thème pour fonder un club. Les petits rigolos ne choisissent alors ni fanfare ni sport mais créent Télétong, le club de ceux qui ont l’esprit cool. On reconnait les jeunes bizuts “qui ne cherchent pas d’histoire” au fait qu’ils portent leur savate préférée en toute saison. “Les profs ont pris ça bien, c’était bon enfant“, se souvient Guillaume, l’un des fondateurs du Télétong. La blague continue après l’école, et les membres restent en contact grâce à Internet. Un site est créé. On y loue la supériorité de la tong, “juste milieu entre le pied au naturel et le pied chaussé“. “En porter n’est pas donné à tout le monde, oser montrer ses pieds, ce n’est pas rien“, philosophe Guillaume, 27 ans aujourd’hui, et qui a du y renoncer dans son très sérieux bureau d’ingénieur. Facebook rend enfin possible leur plus folle utopie : organiser une Journée mondiale de la tong. Le 27 Juin dernier, la deuxième JMT a rassemblé plus de mille participants. Chacun a envoyé sa plus belle photo autour du monde. Tongs de tout pays unissez-vous !

 

Place à l’article !

Quel est le point commun entre la gougoune de Québec, la slash de Bruxelles et la chip-chip du Caire ? Deux brides en « Y » plantées dans une simple semelle et un « flip-flap » qui fleure bon les vacances.

De Venise à Rio, de Tokyo à Los ­Angeles, d’Oulan-Bator à Honolulu, difficile de trouver une zone de Google maps où le caoutchouc de la tong n’a pas laissé son empreinte. Elle serait née, dit-on, dans l’Egypte antique. La première fashion victim identifiée est Toutankhamon, dans la tombe duquel on découvrit en 1922 des dizaines de paires religieusement alignées. Plus tard, la sandale bridée fait souche en Asie. On la retrouve au Japon, sur semelle de bois et sous le nom de zori. En France, on n’entend parler d’elle qu’à partir des années 50, où elle a changé nos vacances à la plage. Avant, il y avait, au choix, la sandalette en cuir qui donnait aux garçons des airs de petits séminaristes ; l’espadrille, confortable, mais qui fait le bronzage vanille-fraise sur le dessus de la patte. La tong, c’est le string du pied. Pas de trace, pas d’attache, pas de stress. Elle est arrivée en France en même temps que les militaires qui revenaient d’Indochine. Les Américains l’avaient surnommée « thong » (lanière). Pour les Français, ce fut tong. La société Plastic Auvergne, qui fabriquait déjà la méduse, fournit des générations d’estivants sous la marque la Sarraizienne. Elle s’achetait au bazar de la plage, en même temps que le seau et l’épuisette dans des vapeurs de Piz Buin. La tong prit ainsi sa place dans le ­panthéon sentimental de toute une génération d’enfants des années 70. Elle l’érigerait en objet culte trente ans plus tard. En attendant son heure de gloire, elle se banalise gentiment.

1998 : la Coupe du monde sonne l’arrivée de l’été. Et un et deux et trois zéro ! Les Brésiliens ont perdu la finale mais les dieux du foutcheball donnent la fièvre au public français. Samba, Braaasil… les supporters ont emporté dans leurs bagages un autre monument de la culture carioca : la Havaianas – Hawaïenne en portugais –, la tong brésilienne. Pour le Mondial, elle est agrémentée d’un pin’s en forme de drapeau national, vert et jaune. Elle se fait enfin un nom en Europe, alors que le groupe Alpargatas en vend au Brésil des millions depuis les années 60 : sur 1 000 habitants, 850 en possèdent une paire. On dit qu’elle dure quarante-cinq mois si elle est portée tous les jours. Sa bride est incassable et sa semelle inodore… C’est la chaussure populaire à deux sous, celle des favelas comme celle des naïades de Copacabana. Havaianas s’implante en France en 2001 et la tong redevient un objet de mode. L’année 2002 sonne l’apothéose de la tongmania. Pas un créateur qui ne conçoive son modèle, pour homme chez Gucci, précieux chez Louboutin. Strass, paillettes, vrais diamants, broderies, riches tissus, cuirs pleine fleur, la petite chaussure se vautre dans le bling-bling et son prix aligne un, puis deux puis trois zéros.

Portée par Toutankhamon

Du côté des Brésiliens, la concurrence tente une percée. Ipanema, du nom de la célèbre plage de Rio, se lance en 2001. Le dossier est sérieux : son propriétaire, Grendene, est le numéro un de la chaussure locale. Le discours est écologique : les tongs sont fabriquées en PVC recyclé. Et la marque dispose d’une bombe atomique : la top model Gisele Bündchen. Même si Havaianas reste le leader mondial, une bataille de titans s’engage. Quand sonne la crise, le bling-bling s’effondre comme un cours de Bourse. Bien plus politiquement corrects, les exemplaires tout plastoc – pardon, PVC recyclé chez Ipanema ou caoutchouc naturel chez Havaianas –, sympas et pas chers, raflent la mise. Deux cent cinquante couleurs au choix chez Havaianas, qui permet aussi de customiser sa claquette. Chez Ipanema, on joue la semelle anatomique ultra-confort et les ­motifs balnéaires, étoiles de mer et coquillages, pour la sauvegarde de la planète.

A Saint-Tropez, la tong sobre et chic existe depuis toujours chez K. Jacques ou Rondini. Elle est en cuir naturel, comme celle que portait Toutankhamon de son vivant. Ce qui fait encore un point commun entre le plus célèbre petit port, les vacances, la tong et les pharaons : ils ne meurent jamais.

 

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